L’heure de vérité approche pour le dernier opus des Irlandais. Actuellement en pleine répétitions dans le sud de notre beau pays, U2 devrait, comme à son habitude, assurer pleinement la promotion de Songs of Innocence, au moins lors de cette année 2015. Que faut-il attendre des interprétations live de chacun de ces onze morceaux ? Revue des effectifs.

The Miracle (of Joey Ramone) – L’ouverture parfaite, attendue par les fans du monde entier. The Miracle est LE titre de SOI qui fera vibrer les salles du iNNOCENCE + eXPERIENCE Tour. Inutile donc de gâcher cette cartouche en or en début de prestation. Depuis le début des années 90, U2 n’a jamais ouvert ses concerts par le premier single de son album, à l’exception des concerts en stade du Vertigo Tour, soit ce que le groupe a fait de plus mauvais en 25 ans. Quant à savoir à quoi ressemblera The Miracle en live, il faut sans doute davantage chercher du côté de l’interprétation vue et entendue chez Graham Norton que lors du lancement de l’iPhone 6 en Californie. Du rock maté d’un groove-à-la-Mysterious Ways pour faire se chalouper un Bono jamais avare d’un pas de danse raté.

Every Breaking Wave – Voilà qui sent bon le piège. Entre la sublime version studio, la version bien mais pas top de l’édition deluxe et l’émouvant «radio mix» sorti en ce début d’année, U2 doit trouver la bonne formule. Le chanteur semble très attaché aux paroles de son titre et a voulu en tirer la quintessence lors de la promotion européenne. Reste que EBW, dans une forme différente, a déjà été exploitée en live en 2010, pas sûr donc que U2 remette le couvert de l’acoustique. La tâche s’annonce ardue, d’autant que la chanson n’est ni un titre lent, ni un morceau rock, ni même un mid-tempo classique du catalogue U2esque. Mais n’en doutons pas, Every Breaking Wave sera un des highlights de cette prochaine tournée.

California (There Is No End To Love) – Tranquille Emile ! Les codes de la troisième piste de Songs of Innocence sont ultra-maîtrisés par le groupe. Des couplets ciselés, un refrain entêtant, quelques « woh oh oh oh » pour exciter le public et le tour est joué. California aura certainement besoin d’une petite accélération de tempo pour bien jouer son rôle, mais ça glissera comme papa dans maman.

Song For Someone – The Edge, je vous présente Bono, Bono, je vous présente The Edge… A vous d’assurer la gentille petite comptine le temps que vos deux camarades se repoudrent le nez. Le public, lui, en profitera pour faire des selfies.

Iris (Hold Me Close) – Attention cas de conscience. Iris est une merveille. Un morceau dans la lignée des grandes réussites de U2 rayon songwritting. Seulement voilà, le Bono a réalisé, une fois l’album balancé à 500 millions de personnes, qu’il y avait peut-être mis des choses trop personnelles. Et voilà que Iris se retrouve en danger, plus certaine d’être du voyage. Cela serait un impair impardonnable. D’autant que Bono n’a aucune raison de jouer les pleureuses : entre I Will Follow, Mofo ou Sometimes You Can’t Make It On Your Own, les adresses directes à ses parents jalonnent le parcours de U2, et avec elles quelques moments intenses en concert. Iris a tout pour prendre une ampleur immense en public, faisant de ses deux dernières minutes un moment de communion formidable. Il faudra toutefois lui trouver la bonne place dans la setlist.

Volcano – Le rock lourd, brut, comme se présente la piste numéro 6, n’a pas toujours réussi en live à U2. Le ratage total de All Because Of You en 2005 en est une preuve récente. Mais le groupe paraît décidé à donner la part belle à son volcan, ajouté sur le tard à Songs of Innocence. La version entendue dans l’émission de Jools Holland a laissé entrevoir quelques belles perspectives, qui devraient se concrétiser une fois U2 bien en place. Il faut cependant espérer qu’à la différence de All Because Of You, Volcano ne soit pas relégué en fin de concert, là où le public a souvent besoin de tubes pour rester connecté.

Raised By Wolves – A l’écoute de la version alternative figurant sur l’édition physique de l’album, Elevé par des loups trouverait certainement une place avantageuse dans l’immanquable partie acoustique du tour de chant. Et disons le tout net, la version album ne valant pas tripette, une mise au placard pure et simple n’aurait rien de déshonorante.

Cedarwood Road – Le Gone de 2015 est là, sous vos yeux ébahis. Le quartier d’enfance de Bono sera de la partie tant il est un curseur identitaire de l’album. Rien à attendre de révolutionnaire pour son interprétation, sinon quelques effets de The Edge et des grands coups de batterie de Larry pour accompagner cette plongée en enfance. Le guitariste nous refera-t-il le coup du jet de matériel en mode, «je suis un rockeur ultra rebelle», de Boston 2001 ? Cedarwood Road est quoi qu’il en soit une valeur sûre, vouée à disparaître avec le temps, comme le regretté Last Night On Earth de 97, oublié depuis le PoPMart.

Sleep Like A Baby Tonight – Next. Pas une question de qualité, juste un peu de lucidité.

This Is Where You Can Reach Me Now – Un candidat sérieux à l’ouverture de concert, sur le mode de City Of Blindings Lights de 2005, version US. Un petit groove qui va bien, des paroles sorties de Oui-Oui part se faire turluter en Amérique, des «Soldier, soldier», que même les anglophobes français parviendront à reprendre en choeur, et un décompte pour bien dire au public quand chanter, tout y est qu’on vous dit ! Et si finalement le titre n’ouvrait pas ce grand bazar, il pourrait bien se faire une jolie place dans une partie acoustique «full band». En mémoire aux grandes heures de Angel Of Harlem ou When Love Comes To Town du ZooTV Tour.

The Troubles – Le morceau est sublime et sera la parfaite conclusion d’une soirée réussie. Malheureusement la divine Likkie Ly ne sera pas présente, et à moins que U2 ne réactive ses liaisons satellites, nous risquons d’être privés de sa voix envoûtante. Il y a toujours moyen de trouver quelques subterfuges, U2 l’avait d’ailleurs fait avec Sinead O’Connor en 2010 pour l’éphémère apparition de Your Blue Room. A eux de se débrouiller pour se dépâtir de cette histoire et offrir à The Troubles la place de choix qui lui revient. Et honte aux spectateurs qui profiteront de ce morceau de conclusion pour quitter la salle et aller se vautrer dans leur métro avant les autres.

Bonus Tracks…

Lucifer’s Hands – Le revival de The Stingray Guitar n’aura pas lieu. Il y aurait sans doute quelques plaisirs à entendre ce titre en concert, mais il ne possède pas la force nécessaire pour s’imposer dans la grosse quarantaine de morceaux qui feront les squelettes des deux soirs du i+e Tour.

The Crystal Ballroom – De quoi s’amuser et donner un peu de sexyness à un concert de U2, ce qui n’est pas une mince affaire. Elle ne sera cependant pas facile à conclure, mais il faut donner sa chance au produit mon petit Eddie. La pépite produite par Danger Mouse, influence directe de son travail avec Broken Bells, a tout ce qu’il faut pour se se faire une place de choix dans cette tournée. Sauf à ce que les rednecks Américains ne la boudent d’entrée et obligent le groupe à la laisser dans un caniveau, comme une vulgaire collectionneuse de bootlegs.

Invisible – Et s’il avait été trop vite oublié ? Sorti début 2014 et recasé en «morceau fantôme» de l’édition deluxe de SOI, Invisible pourrait bien venir poser son derrière un chouïa ampoulé dans la liste des chansons de cette fournée 2015. Son interprétation en haut du Rockefeller Center lors de la première du Jimmy Fallon avait laissé une belle impression. Comme The Miracle, Invisible porte quelques marques de fabrique de U2, qui lui permettent de faire adhérer le public sans avoir besoin d’en faire des caisses. Si les clochettes devront être remisées dans la culotte de Madame Mullen, le riff de The Edge fera lever les foules comme un seul homme. Et pourquoi pas dès l’ouverture du concert ? En voilà un bel outsider, vous ne trouvez pas ?

Concluons cet article par un petit pronostic. A vous de nous dire quelle chanson du dernier album vous voyez ouvrir le concert à Vancouver le 14 mai prochain!