Les quatre Irlandais ont rarement défrayé la chronique grâce à leurs spectaculaires tenues vestimentaires. Bono, devenu amateur des lieux branchés, ne s’aventure jamais le long des podiums des défilés de mode. Pour eux, comme pour nous, il s’agit surtout d’une affaire de classe.

Ils ont longtemps erré, ne sachant vraiment comment se positionner. Les scènes sont dépouillées et leurs tenues d’une froideur pastorale. Ce n’est pas vraiment une question de moyens, juste du peu de goût porté à la chose. Ces garçons viennent du punk, où il n’est pas question de faire dans l’élégance vestimentaire. Et Dublin n’étant pas une des grande capitale de la mode, il leur faut apprendre. Les résultats ont un temps été terribles. Bono porte la coupe mulet, Adam une coupe plus ou moins afro, The Edge des cheveux clairsemés, mais longs et Larry, courts, militaire, comme avant, comme plus tard. Parfois le chanteur se plait-il à essayer la paire de bottes cavalières par-dessus le jeans ou des t-shirts sans manche difformes, tentant d’afficher un style très personnel mais sans grande réussite.

La musique du groupe semble accompagner ce look dépouillé, à moins que ce ne soit l’inverse à la fin des années 80 quand Joshua Tree sonne l’heure de la célébrité et que U2 se découvre une passion pour l’Amérique. Larry ayant déjà pris le créneau du biker, The Edge se tourne vers un look jeans / chemise / gilet tout droit sorti des fermes du Midwest, accessoirisé d’un chapeau, de bretelles, et même d’un collier de cowboy. Bono, lui, finit par se laisser dépasser par ses propres textes : cheveux longs bouclés, veste noire, croix apparente, on s’attend à le voir sortir la Bible à chaque apparition. Pour la première fois U2 a un vrai style. Problème : ce style est celui d’un groupe qui se prend très (trop) au sérieux, limite ennuyeux, et frisant la ringardise.

La révolution Achtung Baby change la donne, elle est musicale mais aussi stylistique. U2 passe d’un extrême à l’autre et fait un bond de plusieurs années sur le plan vestimentaire. Ce n’est pas encore Kiss, mais il y a de l’idée. De façon générale les années 90 apportent chez U2 le goût de la mise en scène et du costume, culminant lors du Zooropa Tour. L’ensemble du groupe se fera d’ailleurs confectionner un costume bleu sur mesure pour clôturer les concerts de la tournée. Bono – pris de schizophrénie – se met à interpréter des personnages et se déguise sur scène en Elvis glam-rock ou en diable dépressif. Tout le reste de la bande se met – plus ou moins – au diapason. Cheveux décolorés pour Adam, bras nus et lunettes noires pour Larry, jeans décorés et t-shirt colorés pour Edge. Le type qui tient le micro se teint également les cheveux en noir et cache ses beaux yeux bleus derrière les historiques lunettes The Fly. The Edge découvre le bonnet à cette époque, une grande histoire d’amour est née. Adam découvre les beautés noires… et les petits plaisirs de la vie de rock star.

La démesure du PopMart Tour permet d’amplifier ce phénomène. La scène et son écran à LED vont donner le ton : la mode est au flashy et au survitaminé. Pour l’occasion, U2 se fait habiller par un créateur belge (le début de la fin…), Walter van Beirendonck, et franchit un nouveau palier. Les lunettes The Fly disparaissent au profit de celles, plus classieuses, d’Alain Mikli, orange et rouge. Le groupe arbore un haut où est dessiné un torse musclé, Adam Clayton porte casque et masque de chantier et The Edge se la joue John Wayne pimpé en mode Las Vegas. Le t-shirt d’Adam «PoPTart» (pute de la pop en gaulois) met les choses au clair d’entrée. Pour le rappel, Bono porte une veste et un pantalon incrustés de bulles en plastique, c’est étrange, mais c’est également amusant. Du kitsch jusqu’au boutiste dans la droite lignée du concept de la tournée.

La crise d’ado achevée, U2 rentre dans le rang et renoue avec la sobriété de ses débuts. Bono conserve des lunettes qu’il ne quittera plus jamais : «en partie par coquetterie, en partie pour protéger ma vie privée et en partie par sensibilité», s’en explique-t-il. Le chanteur s’habille en noir, couleur qui cache habilement ses excès épicuriens, porte un blouson en cuir surmonté d’une étoile rouge en 2001, une veste noire encore plus sobre en 2005 avec l’inscription « sinner » (pêcheur) dans le bas du dos, et des chaussures à semelles compensées destinées à camoufler du mieux que possible ses complexes. Les autres ? Rien, à part une série de t-shirts, certains suscitant plus d’intérêt que d’autres comme ces t-shirts numérotés dont The Edge semblera faire la collection en 2001. Un magnat du web U2 pensera même à les reproduire et à les vendre aux fans. Nice move !

Le gigantisme du 360° Tour va redonner un peu d’audace à l’équipe en charge de la garde-robe du groupe. Si le leader conserve un look très épuré (tout en noir plus blouson de cuir pour la période 2009, tout cuir pour la période 2010 plus boots Frye Engineer), les autres s’amusent davantage. Larry se lâche avec des t-shirts exhibant un aigle, un scorpion, et toutes sortes bestioles rigolotes, Edge ose le jeans ultra-usé façon BTP et cède à la mode des chemises à carreaux. Mais c’est surtout Adam qui flamboie, tout de blanc vêtu, inondant les stades de sa lumière. Il sera aussi particulièrement remarqué un soir de pluies diluviennes à Zurich, lorsque – torse-nu – il dévoilera une musculature que peu lui soupçonnait. Un mannequin, ça ne s’emballe pas qu’à coups de dollars les cocos ! Signe des temps et d’un groupe devenu bourgeois, les grandes marques sont au rendez-vous pour cette tournée : Hermès, Balmain, Dior, Louboutin. Show business.

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