Il aura fallu plus de cinq ans. Cinq années de rumeurs, d’attente, d’espoirs, d’agacements, de reports… Cinq années à se demander si ces quatre gars pouvaient encore aller au bout d’un projet artistique. S’ils en avaient encore sous le pied. Eh puis, un soir de septembre, en Californie, les voilà à nouveau ensemble, nous balançant un Miracle et un album, for free motherfucker !

Les bruits couraient depuis un peu moins d’une semaine. U2 serait aux côtés de Tim Cook pour le lancement de l’iPhone 6. Leur album serait même intégré au nouveau smartphone. Un porte-parole a bien démenti, mais sans se risquer à dire n’importe quoi. Car les Irlandais étaient bien là, sur scène, du rock en bandoulière, et un hommage à Joey Ramone pour bien marquer la direction de ce 13ème album. Qu’en pensez ? Il est encore tôt pour analyser la cohérence du projet, vanter ses points forts et taper sur ce qui manque. D’ici quelques jours, le temps de voir où nous mène cette nouvelle balade, l’équipe de Sucking se plongera dans une revue en bonne et dû forme. Pour patienter, il y a déjà beaucoup à dire.

Bono l’avait dit, «le monde n’a pas besoin d’un nouvel album de U2». S’ils remettaient le couvert, il fallait donc que cela en vaille la peine. Qu’ils sachent prendre des risques, trouver de nouveaux terrains d’expression. Quelles que soient les qualités ou les défauts que les uns et les autres trouveront à Songs of Innocence, personne ne pourra nier que pour des quinquagénaires, le disque a de la gueule. Qu’il a de l’ambition, notamment celle de continuer à explorer.

Pourtant, fait inhabituel, plutôt que de regarder devant lui, c’est sur ses origines que le groupe a choisi de se pencher. Ils l’avaient dit d’ailleurs, mais habitués aux grands solos de pipeau du père Bono, nous n’y avions pas vraiment cru. Erreur. Songs of Innocence frappe par sa quête de sens, par la volonté du groupe, porté par un Bono en grande forme vocale, de rendre hommage au chemin initiatique qui l’a porté au sommet. Et d’honorer ceux qui ont joué un rôle fort, comme Joey Ramone, et la mère de Bono, Iris Hewson, dans le très surprenant Iris (Hold Me Close). Nous y reviendrons.

Une des grandes craintes existentielles de U2, et tout particulièrement de son leader, est de rester dans la course à la pole position. D’aller titiller Lady Gaga ou Rihanna, et de ne jamais rien leur céder sans se battre. Pas question donc de ne pas être numéro un. Mais le temps des succès garantis est révolu. Pour U2, comme pour les autres. Les voilà donc en plein contournement de problème. Plutôt que d’essayer d’en écouler un maximum, autant le donner à tous les clients iTunes, soit la bagatelle de 500 millions de personnes, et faire de Songs of Innocence un objet de son temps, ancré dans l’instantanéité du XXIème siècle. Quant au format solide de cette expérience, il arrivera le 13 octobre, en version enrichie, avec des acoustiques et des inédits.

La méthode surprend pour U2, qui a toujours vaillamment surveillé les ventes payées de ses productions. Serait-ce l’arrivée de Guy Oseary qui a changé la donne et permis ce deal avec Apple ? Cela aurait sens, il avait d’ailleurs pratiqué ce genre d’association pour Madonna, dont il s’occupe. Pourtant, à la lecture des premières interviews, le nouveau venu semble presque inquiet de ce pari. La crainte que le produit de ses clients ne soit dévalorisé par le fait qu’il paraisse gratuit. C’est là qu’intervient l’ancien, Paul McGuiness. Non Songs of Innocence n’est pas gratuit. Il l’est pour le public, mais certainement pas pour Apple, qui a dû «payer une somme très élevée pour faire aboutir ce deal». Les vieux réflexes…
Bono a d’ailleurs été dans le sens de son ex-manager. Sur le site officiel, il écrit que «si personne ne paye pour le musique, alors je ne suis pas sur que «gratuit», soit vraiment gratuit». Et de rappeler que si pour U2 cela n’aura aucun impact, il en est tout autre pour les artistes en devenir.

La surprise à peine digérée… Figurez-vous que Songs of Experience serait pour bientôt ! C’est Bono qui le dit… Celui qui nous parlait jadis de Songs of Ascent. Ce qu’il ne manque pas de rappeler ironiquement à la fin de la lettre qu’il joint au livret de l’album. «I know I’ve said that before…», en effet coco, mais tu sais, nous sommes des fans, des êtres étranges qui aiment croire au Miracle, alors…