U2 enfin de retour sur scène dans l’hexagone, ce fut un euphémisme de dire, que le groupe Irlandais était attendu au tournant ! Deux Stades de France archi-complets en quelques heures seulement, une réputation « Live » à entretenir, un statut de leader du Rock à maintenir, et 4 ans après les deux passages dantesques au POPB puis la tentative avortée de la tournée des stades en 2002, ce « Vertigo Tour Outdoor », était sans aucune contestation, l’évènement rock de cet été 2005.
L’actualité dramatique toute récente avec les attentats de Londres était toutefois venue rappeler que somme toute, nous ne parlons que de musique, mais avec un groupe et un leader en perpétuel contact avec les injustices de ce monde, U2 ne pouvait être que le seul combo à se trouver dans le même temps en adéquation artistique avec ce nouveau drame humain. Il y avait donc autre chose que ce Live 8 tout proche, pour permettre à ce concert d’être à la fois un moment de célébration inoubliable entre U2 et ses fans, mais aussi un moment grave à partager avec un groupe toujours aussi concerné.
Eveything you know is wrong
Avec la rapidité de circulation de l’information, il pouvait sembler à beaucoup, qu’il n’y avait plus grand chose à découvrir du phénomène. Erreur, rien ne remplace une prise directe sur l’événement, et déjà deux questions essentielles restaient de mon côté en suspens.
Une, intrinsèque à la prestation du groupe et plus précisément sur le sens conceptuel de cette nouvelle tournée. Découvrir véritablement les divers titres et thèmes abordés par le groupe, va t’il permettre de délimiter enfin un synopsis nouveau et précis du message que souhaite faire passer U2 sur scène en cette année 2005?
La seconde interrogation, envers l’autre acteur principal de ces deux soirées, evidemment le public ! Celui ci déjà extraordinaire en 2001 à Paris Bercy, va t’il répondre présent et pousser le groupe dans ses retranchements? Surtout 2 X 75 000 personnes, donc largement au delà des limites physiques du potentiel de fans sur un seul concert, vont ils être en osmose et dans leur grande majorité, réactifs voire proactifs, à ce qu’il se passera sur scène ?
A force de s’entendre dire et suggérer que le U2 live « 2005 », s’il était toujours monstrueux dans ses performances, pêchait surtout par un manque de créativité réelle et ne pouvait plus proposer qu’un Best Of conceptuel de ses tournées précédentes, on ne pouvait s‘ attendre alors qu’à passer un bon moment teinté de nostalgie, mais surtout pas à être surpris. Démarche anticipée et donc erronée.
U2 n’est pas encore « on stage » qu’il est déjà possible de comprendre beaucoup de la scène, sur son aménagement, sa disposition et le but recherché. Celle ci n’est ni flashy comme en 1997, ou minimaliste (impossible en stade) comme pouvait le permettre l’Elevation Tour, encore moins un « bordel » organisée comme sur le Zooropa Tour. Elle est tout simplement inédite et avec des prises de risques certaines. Pas de toit protecteur et habituel (décision gonflée pour certains sites géographiques même si c’est l’été), pas de light show « évident » situé au dessus du groupe, mais des projecteurs devant et derrière le groupe, au mieux sur le côté ; un grand écran central impressionnant au fil des minutes, sans pour autant être omniprésent comme pouvait l’être celui du Popmart. L’écrin était donc prometteur malgré quelques avancées vers deux « B Stages » un peu succinctes compte tenu de ce que nous avions déjà connu.
Un avis tout personnel, la prise de risque maximum aurait peut être été de réaliser (en corrélation avec les thème de « cibles » et de « vertiges »), une scène centrale gigantesque avec « catwalk » successifs tout en cercle rappelant ladite cible et en jouant avec le tout sur un concept technologique que n’aurait pas renié un Peter Gabriel version « Growin Up Tour »… je referme la parenthèse.
Mais avec ce nouveau support, un concept « Live » bien déterminé, va t’il enfin surgir et celui ci sera t’il autre chose que le show médiatique de 92/93 ou encore la mise en dérision de la société de consommation comme en 97?
U2, s’il a une signature qui lui est propre depuis 25 ans, a surtout démontré qu’il était multiple et avec divers visages, même souvent paradoxaux. Ainsi et un peu à l’image du titre trompeur de leur dernier album, U2 nous propose non pas un sens ou deux sur cette tournée 2005, mais plusieurs !
Boys don’t cry
Oui c’est bien quelques épisodes bien distincts que U2 nous délivre. « Boy on Tour » tout d’abord, et si quelques titres surprenant qui ont été joués aux USA comme An Cat Dubh , Gloria ou Into the heart ont disparu, le message lui est toujours là. U2 est avant tout un groupe rock, direct sans détail inutile. Il le prouve avec Vertigo puis ses frères de sang un peu plus anciens comme Out Of Control , I Will Follow , Electric Co ou plus récent comme Elevation, New Year’s Day, Beautiful Day, I Still Haven’t Found What I’m Looking et All I Want Is You. U2 assène la démonstration qu’il n’a pas perdu son esprit club. Même après 25 ans de carrière, U2 c’est toujours 4 gamins passionnés de Rock pur et dur, toujours sur la brèche, que son public soit de 300 personnes ou 70 000 ! Mais c’est justement là que le bât pourrait blesser, un esprit et un set minimaliste pour quelques clubs Dublinois ou New Yorkais, ce serait parfait…si l’on ne jouait pas dans un stade.
Justement, U2 n’en propose guère plus dans ce domaine et entame un second départ. Bono s’avance doucement sur une avancée, le light show enfin démonstratif surgit doucement. The Edge claque ses accords, un murmure sonore se transforme en chevauchée fantastique : City of Blinding Lights (avec justement la lumière du jour qui descend enfin) lance la réelle partie dédiée aux dernières compos du groupes, suivent Miracle Drug , Sometimes You Can’t Make It On Your Own. Les messages du U2 nouvelle cuvée sont là, plus en relation avec quelques moments intimes, mais ils évoquent encore une fois énormément à tous.
Love And Peace Or Else inaugure la partie industrielle du set que ce titre suggérait déjà sur « How to Dismantle an Atomic Bomb », Sunday Bloody Sunday, puis Bullet The Blue Sky propulsent véritablement s’il en était encore besoin ce show magnifique. Justement nous sommes déjà si haut qu’il nous faut un peu d’oxygène avant d’entamer un nouveau palier.
Héroïques et contemporains
Le titre Running To Stand Still épuré mais avec une émotion toujours exacerbée achève de nous convaincre que U2 réussit toujours à rester grandiose. Quelque soit les circonstances et les nuances apportées aux titres plus anciens déjà maintes fois proposées, ils nous surprennent encore ! Cette troisième partie consacrée aux chevauchées humanitaires et le plus souvent héroïques se poursuit avec Pride (In The Name Of Love), Where The Streets Have No Name, One.
Dernier thème abordé avec les rappels, Zoo Station et The Fly, démontrent que la satire des puissants est plus que jamais d’actualité. Ces titres donnent un sens encore plus vif aux multiples pressions et espoirs politiques placés par Bono et les siens envers un Live 8, vieux d’à peine une semaine.
Suivent pour refermer « le cercle » et sans grande surprise, With or Without you, All Because of You, Yahweh,…enfin ce fameux second Vertigo, où comment U2 boucle son épopée avec le mot “fin” à l’écran (The End) qui n’est en quelque sorte que le dernier paradoxe entretenu par un groupe qui a toujours la volonté de convaincre avec son dernier tube porté comme un blason, un étendard caractérisant leur détermination à marquer à nouveau les esprits. Au final donc, différents scénaris abordés qui synthétisent parfaitement les diverses identités du groupe au cours de ses « quasi » 3 décennies de règne.
Je ne reviendrai que succinctement sur la différence de prestation entre les deux soirs, ceci ayant déjà été longuement évoqué par Cyril (dont j’approuve les conclusions). Mais effectivement, à la lumière de la performance aboutie du 09 Juillet, nous étions tous en droit d’attendre un peu plus de ce second concert. Premier constat évident, U2 fait encore son job ce 10 au soir, il demeure toujours un des meilleurs « Rock Band » sur scène, mais une impression mitigée et lancinante demeure venant un peu contredire nos sensations de la veille.
Je le répète, U2 est toujours professionnel et efficace, c’est manifeste. Mais le groupe dont on proclame la suprématie sur scène, est il à ce compte, toujours au sommet de ses propres performances ? Posez la question, s’est déjà y répondre un peu. Surtout le groupe en a t’il toujours le souhait et avec, le respect de son public quelque soit la date ? Là où le 09, nous sentions un désir de rester impressionnant, de poursuivre (actualité Tour de France oblige) une échappée au long cours face aux nouveaux ou plus anciens prétendants rock, on ne peut déplorer qu’un manque d’originalité et de fraîcheur le second soir, et le sentiment que U2 n’appuie plus aussi fort sur ses pédales, au risque de rentrer dans le peloton.
Paris est magique
La constance dans la performance et une passion toujours renouvelée se situait finalement ailleurs: le vis à vis essentiel pour tout concert réussi, à savoir le public, fut lui, à la hauteur de l ‘événement et ce tout au long des 2 soirées.
Nous aurions pu être circonspect sur 150 000 personnes, qui à ce niveau, se comptaient au delà des simples fans « hardcore » et donc aurait justifié peut être une apathie excusable. Ce fut tout le contraire et la démonstration fut faite que 20 000 personnes à Bercy ou 80.000 personnes au Stade de France ne changent rien à l’affaire. Le public fut chaleureux enthousiaste, inventif et…créatif ! Pas le moins du monde boudeur envers les « supports act », quelques « Olas » de mieux en mieux maîtrisées et surtout durant les 2h du Show, une grande majorité des spectateurs convaincu et heureux de se retrouver avec U2 pour célébrer ensemble leur retour. Dans des circonstances pourtant différentes de visibilités ou de situations, dans la fosse comme les tribunes, il était manifeste que tout le monde participait et permettait donc de rendre encore un peu plus à ces deux concerts, le caractère exceptionnel qu’ils pouvaient représenter aux yeux de tous.
Félicitations donc pour une réactivité de tous les instants, et même un peu plus avec cette initiative réussie des ballons blanc. Au départ initiative individuelle puis de quelques uns, sans aucun soutien officiel, démontrant encore un peu plus une spontanéité qui charmera le groupe et le public lui même, ébloui de sa propre audace.
Pour conclure, je souhaite associer à nouveau le public des deux soirs, sans distinction de performance entre eux. Spectateurs qui « doublaient » leur plaisir de la veille ou nouveaux venus. Celui ci même avec un U2 à 80% de son potentiel scénique le 10, fut dans leur grande majorité heureux de ses champions. Les spectateurs et fans présents n’ont eu que faire des quelques nuances (y compris dans nos articles) entre les différentes prestations scéniques de leur groupe favori ou encore de ce qu’il pouvait se dire au préalable sur le net (restons humbles et réalistes, sur 150 000 spectateurs, entre 25 et 30% ont sans doute parcouru avant les deux dates parisiennes, les nombreux sites de fans dédiés au groupe, guère plus). Ils arrivaient donc au Stade de France avec un esprit libre de toute interprétation anticipée et cela contribua sans doute pour beaucoup à une grande générosité d’ensemble.
Place bientôt (pour ma part) à un autre public encore un peu plus latin avec nos bouillonnants et attachants cousins Italiens. Ce public « Azur » a démontré à de multiples reprises dans le passé (et pas seulement pour U2), qu’il fallait aussi compter avec lui pour installer et entretenir une ambiance gigantesque durant les grandes messes Rock. Vont ils comme en 2001 à Turin, faire très fort ? Milan et surtout Rome nous répondront de leur ferveur, et je ne manquerais pas de vous en dire quelques mots :)
Discussions
4 commentaires ont été publiés pour cet article.
La 2ème soirée au Stade de France fut mon 1er concert, un exellent souvenir qui restera gravé dans ma mémoire.
critique: j’aurai préféré "40" pour finir le concert…
Le fait d’avoir Vertigo une deuxième fois a pour moi un peu gaché la chose.
Concernant le public, une ambiance de folie régné et ca sauté partout, j’ai été assez surpris.
Chapeau !!
Excellent article, il n’y a plus grand chose à redire. Moi dans la fosse les 2 soirs je trouvais au départ le public un peu "gentil", peut-être trop habitué à d’autres concerts un peu plus "violents", mais en même temps il y a un super esprit, et je crois que mon impression était fossée car tout devant à 2 m de la scène il y a pas mal d’espace, ce qui est bien, ça évite la galère.
Pour le reste je suis aussi Ok, pas de changement de liste, un titre en moins, j’attendais plus mais en même temps le soir même devant eux j’en avais strictement rien à faire, ils pouvaient jouer n’importe quel titre c’était excellent, car ce qui comptait c’était leur présence, leur pêche, leur communion, et avec la prestation de la veille revenir aussi en forme c’est assez humainement incroyable.
Et surtout n’oublions pas que ce second soir Bono a fait de nouvelles choses, d’autre snippets assez osés et forts, qu’il a tenté d’inover parfois en jouant avec le public, et sont "Louis XIV" fut parfait.
Bravo Pascal.
Stay Visible !
C’est clair que j’attend nice avec impatience….j’espere que ça va etre le feu, en tout cas je vais le mettre.
Pensez vous qu on puisse avoir des surprises vu que nice est une ville spéciale pour Bono (il a une villa et edge aussi)
J’étais en fosse les 2 soirs, mis à part sur les côtés’ enceintes) où on dormait pas mal, oui tout le monde a bien bossé!
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