Quatre ans après avoir conclu le E+I Tour, U2 sort de sa léthargie en 2023 et essaie de revenir sur le devant de la scène avec un pseudo album et de pseudo concerts.

Si l’idée de ré-enregistrer quarante titres semblait séduisante et ambitieuse sur le papier, les premiers morceaux publiés de “Songs of Surrender” ont plutôt fait l’effet d’une douche froide. On devine rapidement que le groupe complet n’est pas du tout aux manettes et que ce projet est en fait celui du duo Bono / The Edge. Et les deux têtes pensantes de U2 ont tout l’air de s’adonner à leur passe-temps préféré ces dernières années : en faire le moins possible.

Songs of Surrender, la déconstruction

Au lieu de la “ré-imagination” annoncée, les titres sortis jusqu’ici sont plutôt une déconstruction en règle. Le duo s’est attaché à les dépouiller de tout ce qui en faisait de grands morceaux, pour nous envoyer de la musique d’ascenseur fade, sans saveur, sans rythme, sans relief. Au chant, Bono se prend pour un crooner mais semble constamment sur un fil entre la fausse note et le mauvais goût. Une question nous obsède : pourquoi diable avoir consacré du temps et de l’énergie à ce projet inutile ? Bien sûr on ne demande qu’à être surpris, mais on se prend déjà à redouter la date du 17 mars tant l’ensemble s’annonce poussif et insipide.

Au passage, sommes-nous condamnés à bouffer du “Songs of…” jusqu’à ce que mort s’en suive ? Voilà bientôt dix ans que Bono tourne en boucle avec cette formule qui commence à sentir la panne d’inspiration. N’a-t-il vraiment pas d’autres idées dans sa valise de VRP ?

Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, U2 a profité d’un spot publicitaire lors du Superbowl pour dévoiler une résidence à Las Vegas. Tout dans cette phrase fait flipper. Oui, en 2023 les concerts de U2 se jouent en résidence entre deux hotels casinos. Oui, ils sont adossés à un promoteur qui inaugure son nouvel investissement immobilier. Et oui, on les annonce lors d’un spot entre deux pubs pour Pepsi et Burger King à l’heure où le spectateur américain est le plus captif.

U2:UV, l’énième contradiction

U2 donnera donc une série d’une douzaine de concerts sur le thème de l’innovation, de la technologie, et d’un hommage – 32 ans plus tard (!) – à Achtung Baby. Peu importe qu’après 2011 et 2018, ce soit la troisième fois que le groupe sorte la carte d’Achtung Baby pour sauver les apparences. Peu importe que tout dans Achtung Baby et ZooTV soit l’antithèse de ce concept de résidence foireux sur les terres de Mirrorball Man. Peu importe aussi qu’un des leurs ne soit pas d’attaque, et tant pis si cela revient à renier ce qui semblait être l’essence même du groupe.

Car c’est bien sans Larry Mullen que le “Larry Mullen Band” se produira cet automne, sans son membre fondateur, sans ce line-up inamovible qui a toujours fait sa force et sa singularité. U2 ne sera qu’un trio, accompagné d’un illustre inconnu à la batterie. Une idée saugrenue qu’eux-mêmes jugeaient inenvisageable il y a quelques mois à peine. Le mal pourrait bien être profond car il n’est pas dit que ce pauvre Larry – victime des traumatismes de quatre décennies à taper sur son instrument – puisse de nouveau être de la partie un jour.

Quel message nous envoie le groupe en ce début d’année 2023 ? Celui de sa propre décrépitude. U2 s’use et se perd encore un peu plus dans l’appât du gain, au point de contredire frontalement certains de ses principes fondateurs. Peut-on encore les croire capables de revenir l’an prochain (ou plus tard) avec un vrai nouvel album et de renouer sur scène avec leur public ? Le temps file et son œuvre – inéluctable – pousse chaque jour un peu plus les Irlandais vers la sortie de route définitive.