Le Vertigo//2005 Tour est la dixième tournée mondiale de U2. Avec en moyenne une centaine de concerts par tournée, les quatre irlandais se sont ainsi produits plus de mille fois dans ce cadre qu’ils maîtrisent si bien : celui des grandes messes rôdées et répétées sur les cinq continents. Parmi ces mille dates, certaines possèdent un cachet particulier, une saveur qui font d’elles des événements à part quoiqu’il advienne, à part de l’industrie de masse que devient vite une tournée de U2. Cette caractéristique est le lot des concerts hors normes, ces concerts exceptionnels qui ont lieu dans des lieux mythiques ou démesurés, ces concerts symboliques déclenchant des passions sortant de l’ordinaire, ces concerts touchés par la grâce et la folie et dont on reparle vingt ans après. Ce parfum particulier, dix concerts le possèdent à coup sûr : les concerts d’ouverture.
De grandes retrouvailles
U2, depuis une quinzaine d’années, est un de ces groupes qui vivent par intermittence aux yeux du grand public, tous les trois ou quatre ans à l’occasion d’un album et d’une tournée mondiale. La préparation d’un album étant surtout un travail de l’ombre, U2 n’est réellement U2 (comprenez un groupe de quatre types faisant de la musique pop/rock) qu’en deux occasions : durant l’effervescence médiatique entourant la sortie de l’album et pendant la tournée mondiale associée à ce même album.
A ce titre, et encore plus pour un groupe comme U2 qui se définit par essence comme un groupe de scène, les concerts d’ouverture sont de vraies retrouvailles avec le public. Ils sont le moment où le groupe va dévoiler son nouveau visage, son nouveau son, son nouveau concept aux yeux du monde entier. Une énorme source de pression. Imaginez deux minutes ce qui peut se passer dans leur tête quand commence la première chanson d’une nouvelle tournée. Une salle de 25 000 personnes toute acquise à leur cause et attendant d’en avoir encore plus et encore mieux que quatre ans auparavant. La presse du monde entier, impatiente d’encenser (ou massacrer) le nouveau show planétaire du proclamé « plus grand groupe de rock du monde ». Un parterre d’amis du show-biz et de starlettes venues se montrer là où il fait bon être. Tout le monde est là, avide d’en découdre et de mesurer que les concerts de U2 méritent toujours leurs titres de noblesse et leurs prix exorbitants. Alors il faut être à la hauteur.
Pour les fans, c’est également l’heure des retrouvailles, après des années de disette tuées à écouter les reliques – albums et concerts pirates – du passé. Quelques semaines ou mois après la sortie du nouvel album, l’impatience de retrouver les quatre irlandais sur scène est débordante. Certains ont prévu un petit tour d’Europe ou du monde, d’autres ont fait la queue des heures devant les billetteries, d’autres sont malheureusement restés sur la touche privés de tickets et du droit de toucher des yeux leur groupe favori. Mais tous ont l’esprit tourné vers ce soir-là, ce fameux soir où U2 est de retour dans le monde des vivants. Chacun à leur façon (sur place, sur Internet, dans la presse, chez les vendeurs de bootlegs quelques jours plus tard…) ils vivront ce moment avec passion, bonheur et une envie folle : celle que tous les concerts soient des concerts d’ouverture, avec leurs surprises, leurs incertitudes, et cette découverte de la nouveauté si rare avec ce genre de groupe.
Le soleil, le printemps, et les Etats-Unis
Depuis une vingtaine d’années, depuis que U2 est devenu un groupe mondial autant attendu en Amérique du Nord qu’en Europe ou en Asie, les tournées débutent aux Etats-Unis. Depuis 1987 pour être exact. A l’époque U2 entre dans une période d’adoration de l’Amérique et de ses grands espaces, avec un album (« The Joshua Tree ») au son volontairement américain et qui reste à ce jour leur plus grand succès commercial. La tournée du même nom ouvre une longue série de tournées lancées en Amérique, à peine interrompue par la mini-tournée Lovetown (1989) qui, elle, débuta en Océanie.
A l’occasion des concerts d’ouverture, U2 a la délicate attention de choisir des lieux et des périodes très favorables : la tournée-type de U2 démarre à la fin de l’hiver ou au début du printemps, dans une ville ensoleillée où il fait bon passer ses vacances à cette période de l’année. A deux reprises c’est la Floride, et plus particulièrement la banlieue de Miami, qui a eu l’honneur d’être le berceau d’une tournée de U2 : lors du Zoo TV Tour (février 1992) et de l’Elevation Tour (mars 2001). Hasard ou non, ce sont les deux concerts d’ouverture qui furent les plus réussis et les deux tournées de U2 qui connurent le plus de succès (populaire et financier).
En 1987 et 1997, U2 opta pour des régions plus arides : l’Arizona pour le Joshua Tree Tour (Tempe) et le Nevada pour le Popmart Tour, dans un lieu idéalement choisi comme symbole du côté superficiel et tape à l’œil de la tournée (Las Vegas).
Pour 2005, les irlandais avaient une nouvelle fois choisi Miami, peut-être par superstition tant ce lieu semble être le porte-bonheur de leurs tournées. Quelques imprévus ont entraîné un léger décalage de la tournée et du même coup le déplacement du concert d’ouverture vers la Californie, à San Diego, situation inédite dans l’histoire du groupe. Gageons que cette ville soit à la hauteur de Miami et devienne un nouveau lieu de prédilection pour U2.
Des surprises…
Lors des concerts d’ouverture, les surprises sont clairement du côté du public qui découvre le show, la setlist choisie par le groupe, et les versions « live » des chansons extraites du nouvel album. Bono lui-même aime raconter, amusé, le visage déconcerté du public qui, le 29 février 1992, assistait à la première mondiale du Zoo TV Tour. Il fallait avoir le cœur bien accroché ce soir-là pour supporter ce show déroutant et survolté, sa myriade d’écrans de télévision, sa cascade de slogans, et les personnages interprétés par un leader de U2 qui semblait avoir vendu définitivement son âme au diable.
Que dire du Popmart Tour et de son lot de surprises ? Cet écran géant de 50 mètres de long, cette arche de 30 mètres de haut, ce citron suspendu en haut de la mini-scène centrale, cette olive piquée d’un cure-dent géant… Difficile de garder les pieds sur Terre quand on entre pour la première fois dans ce stade sans avoir su à l’avance ce qui nous attendait derrière les portes. Alors quand, en plus de cela, U2 arrive sur scène au milieu de la foule, quand Bono est déguisé en boxeur et que Edge exécute un karaoké géant au milieu du stade, ou quand le groupe découvre en live de nouvelles perles qu’on n’attendait pas à un tel niveau (« Hold Me Thrill Me Kiss Me Kill Me » / « Please »), on comprend encore mieux la dimension enivrante que peut avoir un concert d’ouverture.
En 2001, U2 fut plus raisonnable, mais les 20 000 spectateurs de Fort Lauderdale (Floride) ont eu leur quota d’inattendu. Entre cette scène en forme de cœur entourant le public, l’arrivée du groupe dans la salle lumières allumées, la prestation complètement revisitée et méconnaissable de « The Fly », l’interprétation de « Sweetest Thing » au piano par Bono, et l’apparition tant espérée de « Walk On » pour la première fois en live, il y avait de quoi sortir du concert la tête en l’envers.
Une mention particulière à ceux qui étaient à Tempe (Arizona) le 2 avril 1987. Lors des premières notes de « Where The Streets Have No Name », ils étaient les premiers au monde à découvrir un des plus gros tubes « lives » de U2, le tube par excellence même, celui que tout le monde attend encore les jambes tremblantes vingt ans plus tard. Quelques minutes plus tard, ils découvraient les versions « U2 » de « Maggies Farm » (Bob Dylan) et de « People Get Ready » (Curtis Mayfield). Nul doute que c’est lors des concerts d’ouverture que ce genre de surprise tire toute sa quintessence.
… et des déceptions
Si les surprises concernent surtout le public, les gros ratés eux sont bien souvent à imputer au groupe lui-même. A cause d’une pression plus forte qu’à l’habitude, par manque de préparation, à cause d’un show pas encore rôdé ou totalement maîtrisé, ou simplement par malchance, les concerts d’ouverture offrent parfois de petites déconvenues.
A ce titre l’ouverture du Popmart Tour à Las Vegas, le 25 avril 1997, restera l’exemple à ne plus jamais reproduire pour U2. Suite à une préparation bâclée en raison d’un timing beaucoup trop court (moins de six semaines entre la sortie de l’album et la tournée), U2 livra un concert à deux vitesses : de haut niveau lors des vieux standards mais très décevant sur les nouveaux titres. Certaines chansons du nouvel album furent littéralement massacrées. Parmi elles une version fameuse de « Staring At The Sun » à la limite de l’audible et du reconnaissable, et qui restera dans les annales des plus mauvaises performances du groupe. A tel point que le groupe dut s’arrêter au milieu de la chanson et la recommencer après une franche engueulade, sans trop convaincre que la seconde version était mieux que la première. Au final le concert d’ouverture fut bon mais sans être exceptionnel, et il laissera un goût amer au groupe irlandais toujours très perfectionniste.
Autre déception en 1987. S’il était énorme de découvrir « Where The Streets Have No Name » en live, le plaisir fut quelque peu gâché par Bono, complètement aphone ce soir-là et incapable d’aligner deux notes justes.
En 2001, on frôla la catastrophe lorsque Bono, reculant le long du cœur sur « Until The End Of The World », oublia de regarder où il posait les pieds et chuta de la scène, se retrouvant au sol dans la zone de sécurité séparant la scène du public. Plus de peur que de mal puisqu’il fut immédiatement remis sur pieds par un roadie et put continuer le concert sans problème.
Place à San Diego
Dans quelques jours, le 28 mars prochain, U2 lancera sa nouvelle tournée mondiale à San Diego, au sud de la Californie. Ce sera la première fois qu’une tournée de U2 débutera dans cette région du globe. Ce concert écrira une nouvelle page de l’histoire de ces fameux concerts d’ouverture, avec son lot de surprises et peut-être de déceptions. A quoi ressemblera la scène ? A quoi ressemblera le show ? Quelle sera la setlist ? Aura-t-on droit à des titres inattendus ? U2 commencera-t-il le concert à la Zoo TV avec huit titres du nouvel album ?
On sait que le groupe répète depuis le début du mois à Vancouver, de quoi assurer en théorie un show bien rôdé et bien ficelé, dans la lignée de ce à quoi U2 nous a habitué par le passé. Pour tout dire, les chances de voir U2 se planter lamentablement sur leur nouveau single sont très faibles. Tout autant que celles d’assister à un show révolutionnaire type Zoo TV ou Popmart. La raison veut que le groupe se place entre ces deux extrèmes, à la manière de l’Elevation Tour.
Nous serons tous fixés dans quelques jours, mais une chose est sûre : les quelques 15 000 spectateurs de la Sports Arena de San Diego vivront bien un moment unique.
Discussions
2 commentaires ont été publiés pour cet article.
Je tiens à remercier Bert pour cet article qui nous ramène à une époque fabuleuse et nous fait aussi espérer des choses grandioses.
un débat s’éleve deja parmis les fans, je pense, faut il lire les infos concernant cette tournée ou jouer la surprise pour leur venue en france?
J’ai décidé de ne pas cotoyer les forums cette fois, pour garder une sensation forte lors de leur venue au stade de france.
Je m’étonne et me réjouis à la fois du peu d’informations qui transpirent de la tournée. Même en 1997, avec une toile très sommaire et marginale, on en savait un peu plus! J’ose penser que ce mutisme annonce quelquechose de grandiose, d’impossible à imaginer, je les vois bien débouler d’une cible…en tous les cas, l’entrée sur scène sous les lumières vives façon Elevation Tour, je pense que c’est à oublier!
Côté titres, on en sait davantage et les probables interprétations de Lemon et UV me font déjà frétiller, parce que je suis sûr que ce seront des versions retravaillées…surtout Lemon, ne me demandez pas pourquoi, j’ai beaucoup de mal à dire du mal de Saint Bono.
L’attente grandit, l’émotion monte, et il me tarde de lire les setlists jouées soir après soir…en attendant de pouvoir vivre tout ça en Europe!
Merci les gars et bravo, c’est reparti comme en 2001!
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