Cette semaine, U2 aborde Chicago, une étape traditionnellement importante au cours de ses tournées nord-américaines : l’occasion pour nous de revenir sur les précédentes étapes des 4 Irlandais dans la Windy City, et son rôle dans la carrière du groupe.
Chicago, le carrefour américain
Troisième ville des Etats-Unis après Los Angeles et New York, la métropole du Middle West, longtemps connue pour sa mafia italienne, mais aussi son blues ou l’équipe des Bulls, Chicago l’est également pour son architecture : la ville vit l’apparition des premiers gratte-ciels à la fin du 19ème siècle, bien avant New York, la Sears Tower de Chicago surpassant même les Twin Towers de Manhattan. Surnommée affectueusement Chi-Town par ses habitants, elle jalonne la frontière entre l’Est et l’Ouest américain, faisant office de carrefour routier, ferroviaire et aérien au cœur des Etats-Unis. C’est donc le point de passage quasi-obligé pour qui se rend d’une côte à l’autre du pays. Les périples américains de U2 sont marqués par cette position géographique : l’itinéraire souvent sinusoïdal des tournées du groupe aux Etats-Unis place presque toujours Chicago au milieu, à la charnière entre le grand Ouest américain et la côte Est.
U2 visite Chicago pour la première fois les 11 et 12 avril 1981 pour la tournée «Boy», jouant dans 2 salles différentes : l’Université de Chicago et le Park West, un club d’assez grande envergure avec plus de 1000 places. Le premier concert, celui des étudiants, est remarquable pour son prix : un dollar la place ! Le deuxième concert est sold-out mais le plan de tournée intensif suivi par le groupe à ses débuts, les ramène jouer au Park West la même année, le 6 décembre, pour la tournée «October». Complet également, mais U2 n’en est pas encore à jouer de multiples dates à Chicago, et au printemps 1982 la deuxième tournée américaine «October» visitera cette fois les villes plus éloignées de Madison (Wisconsin) ou Champaign (Illinois), en évitant les bords du lac Michigan.
Changement de dimension
Première grande évolution dans la carrière américaine du groupe, l’arrivée de l’album «War» et ses singles inoxydables, propulse U2 des clubs de rock modestes aux salles moyennes : l’album entre en rotation sur les radios, en particulier sur les circuits alternatifs et les campus universitaires, et MTV naissante se met à diffuser en boucle le clip de «New Year’s Day». La tournée US du printemps 1983 est donc un grand moment. U2 rencontre son premier grand succès commercial et critique, et fait largement le plein de nouveaux fans. A cette occasion, les Irlandais débarquent à l’Aragon Ballroom de Chicago le 21 mai pour un concert devant plus de 4000 personnes.
Leur planning chargé, 4 concerts par semaine, ne leur laisse pas la possibilité d’ajouter une date supplémentaire mais le groupe prend le temps de visiter le Musée de la Paix de Chicago. C’est un événement majeur dans la carrière de U2. Le musée héberge à ce moment là une collection de tableaux réalisés par des survivants aux bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki en 1945 ; cette exposition porte le nom de «The Unforgettable Fire»… Bouleversés par la terreur exprimée dans les œuvres, les membres du groupe sont également touchés par une autre section du Musée de la Paix, consacrée à la lutte non-violente des noirs américains pour leurs droits civiques et à l’homme qui incarna ce combat pacifique : Martin Luther King… U2 léguera ses drapeaux blancs et le décor de fond de scène de la tournée «War» au musée, dont la visite aura notablement marqué l’évolution de la musique du groupe au cours des deux années suivantes.
L’album «The Unforgettable Fire» sera donc le moyen pour U2 de commencer à exprimer ses idéaux pacifiques de façon plus canalisée. L’hystérie sonore des albums précédents laisse la place à une production plus puissante, plus atmosphérique, et le nouvel album quasi-expérimental à l’époque pour nos quatre musiciens fait la part belle à l’héritage de la visite chicagolaise de 1983 : « Pride », « The Unforgettable Fire » et « MLK » sont directement héritées de la visite du musée, et l’album devient aussi l’amorce d’une trilogie américaine dans la discographie des Irlandais. Outre les titres pré-cités, « 4th of July », « Indian Summer Sky » et « Elvis Presley and America » font de l’album de 1984 un disque puisant son inspiration à la source de l’expérience américaine du groupe.
La première et courte tournée américaine « Unforgettable Fire » de décembre 1984 fait escale à Chicago, toujours à l’Aragon Ballroom, où U2 blinde la salle pour de bon avec 5000 personnes. « 40 » en final est dédié à l’exposition des survivants japonais. Le groupe décide de revenir en force au printemps 1985, pour une tournée minutieusement préparée. L’album de U2 est un succès majeur, le premier à franchir la barre du million d’exemplaires vendus aux Etats-Unis. La tournée de 1985 est sold-out avant que la première note ne soit jouée, et pour la première fois U2 ne jouera que dans des arènes (salles de basket, patinoires de hockey, etc.). Finis les clubs et les petites salles, U2 ayant trouvé son public, est catapulté dans la cour des grands, et décide au passage de vendre aussi les sièges situés derrière la scène, ce qui n’empêche pas nombre de fans de rester bredouilles…
Toujours plus forts
A Chicago, les 21 et 22 mars 1985, U2 se produit au Pavilion, une arène de 10.500 places située sur le campus de l’Université de l’Illinois. En 2 soirs donc, la formation de Dublin joue devant plus de 20.000 personnes, soit le double des spectateurs venus aux concerts précédents de U2 dans cette ville. Les musiciens en profitent pour varier les plaisirs, et le deuxième soir ajoutent au set « Surrender » et «Two Hearts Beat As One», retirent « Party Girl », mais conservent « Knockin’ On Heaven’s Door », la reprise de Bob Dylan. Le premier soir est préservé pour la postérité par une série de bootlegs, notamment « Four At Four » et « The Flame And The Fire ».
1986, année atypique, U2 plongé dans la création difficile de son prochain album décide de s’octroyer un petit break en donnant de son temps à Amnesty International. L’organisation humanitaire célèbre ses 25 ans d’existence en lançant à travers les Etats-Unis une courte tournée baptisée « Conspiracy of Hope », à laquelle participe le gratin du rock occidental (entre autres Peter Gabriel, Lou Reed et The Police). La tournée ne passe que par quelques grandes villes de Los Angeles à New York. Le 13 juin, U2 monte sur scène au Rosemont Horizon de Chicago, une arène de 17.000 places, qui est à l’époque la plus grande salle de la ville. Le set est court, les artistes se succédant les uns aux autres : U2 en profite pour reprendre 2 autres classiques de Dylan, « Maggie’s Farm » et « I Shall Be Released », en plus de ses propres standards. Bono rejoindra The Police sur scène pour accompagner Sting sur «The Invisible Sun», une chanson évoquant la guerre civile irlandaise.
Arrive 1987 et l’explosion de l’album « The Joshua Tree ». La tournée américaine de printemps est une mise en jambes, prélude à une visite plus poussée à l’automne. U2 retourne au Rosemont Horizon le 29 avril pour ce qui restera un des grands moments de ce « Joshua Tree Tour ». La salle est archi-comble, le public chicagolais lance des cris hystériques à tel point que Bono est obligé de demander à la foule de la mettre en sourdine (« vous n’êtes pas à un concert des Beatles, ok ?! ») afin de pouvoir chanter tranquillement une émouvante reprise de « Springhill Mining Disaster », un titre folk de l’Américain Peggy Seeger, popularisé en Irlande par les Dubliners. La soirée est immortalisée sur un disque pirate archi-connu des fans, « Rock’s Hottest Ticket ».
Les 28, 29 et 30 octobre 1987, U2 retourne au Rosemont Horizon pour 3 shows à guichets fermés, écoulant plus de 51.000 tickets. Sympas, les Irlandais ont préféré jouer plusieurs soirs en salle plutôt que de se contenter d’un concert en stade. Il faut dire qu’à Chicago en cette période de l’année, la température commence à avoisiner les zéros degré… Ces dates multiples sont l’occasion de bousculer les setlists, et U2 en profite pour jouer des versions incendiaires de « Out of Control » et « Silver And Gold », ajoutant une cover de « Southern Man » de Neil Young pour faire bonne mesure. Bono, se remémorant les débuts du groupe au Park West, décerne à Chicago le titre de « ville-U2 la plus bruyante au monde » et anticipe l’anniversaire de Larry en éclaboussant de champagne son kit de batterie.
On prend les mêmes et on continue, U2 décidément abonné au Rosemont y pose ses téléviseurs et autres jouets cathodiques le 31 mars 1992 lors de la tournée Zoo TV. Le show de Chicago est excellent, comme tous ceux de la tournée en salles cette année là, et le public manifeste son enthousiasme. Un peu trop, sans doute, au goût du batteur, qui manque d’y passer à son retour de la mini-scène : une spectatrice parvient à l’attraper par la jambe et le happe vers la fosse. D’autres s’y mettent en tirant sur son t-shirt, avant que la sécurité ne s’en mêle : Larry regagne ses fûts visiblement écœuré…
A l’automne, U2 parcourt dans tous les sens les Etats-Unis pour sa plus grande tournée à ce jour, se produisant exclusivement en stades pour la première fois. Les 15, 16 et 18 septembre 1992, le « Zoo TV Outside Broadcast Tour » fait halte au World Music Amphitheater de Chicago devant 90.000 spectateurs au total. Fidèle à sa manière de présenter des titres différents lors de dates multiples, le groupe interprète « So Cruel » le premier soir. C’est Edge cette fois qui fait les frais de l’éxubérance du public, une des filles invitées sur scène par Bono lui pique son bonnet, et ça ne l’amuse pas du tout… D’autres qui ne sont pas amusés par le passage de la caravane irlandaise sont les riverains du stade, qui portent plainte afin que le volume soit baissé pour les 2 derniers concerts. Perdu ! C’est U2 qui gagne au tribunal, et en profite pour jouer un troisième et ultime show riche en pépites : ajout de « Party Girl » et de « Slow Dancing », « Can’t Help Falling In Love » de Presley accolée à « One », une bruyante version de « When Love Comes To Town » en dédicace spéciale aux voisins mécontents plus un petit coup de fil au maire de la ville pour lui enjoindre de couper le son de la télé et d’ouvrir ses fenêtres pour mieux écouter le concert… !
Une « Pop-baisse-de-regime »
En 1997, U2 revient avec une nouvelle tournée nord-américaine en stades, mais l’album « Pop » plus controversé ne permet pas cette fois de faire le plein systématique de spectateurs. A Chicago les 27, 28 et 29 juin, U2 prend d’assaut le Soldier Field, un énorme stade de football américain. 128.000 tickets sont mis en vente pour les 3 soirs. Avec 117.000 places écoulées, U2 bat son record de 1992 mais ne parvient pas à exploser pour de bon le box-office. En conséquence, et pour la première fois, le groupe ne retournera pas à Chicago à l’automne pour la deuxième partie de la tournée US. Les concerts de juin sont néanmoins de très bonne tenue avec un public aussi enthousiaste qu’auparavant. Le deuxième soir, U2 en profite pour faire quelques changements, en remontant Gone de quelques crans dans la setlist, faisant re-descendre Pride et introduisant « New Year’s Day » et « All I Want Is You » au répertoire de la tournée. Et devinez qui se paie l’inévitable trublion cette année ? Bono ! Le chanteur est aspergé de bière pendant « Last Night On Earth » le troisième soir, ce qui le rend passablement furieux. Mais cela ne l’empêchera pas d’ajouter « MLK » à la fin du concert.
La tournée US de l’automne 1997 étant un semi-échec (peu de soirs à guichets fermés et 17 dates seulement), U2 décide de revenir en salles pour son périple de 2001. Chicago est gâtée avec «l’Elevation Tour», jouissant de 2 visites et 6 concerts ! Les 12, 13, 15 et 16 mai 2001, U2 s’installe à Chicago pour 4 concerts bondés au United Center, une salle relativement récente de 22.000 places. Les shows sont un immense succès, et dès le premier soir le groupe commence à prendre des libertés avec le set, ajoutant « Wake Up Dead Man » après « One ». Un fan est invité à jouer du piano sur « Stay », tandis qu’une autre monte faire un numéro de danse du ventre sur « Mysterious Ways ». Bono dédie « Pride » au Musée de la Paix, et remercie le public pour l’accueil offert au « PopMart » de 1997.
Remerciements répétés le lendemain soir, appuyés par les interprétations successives de «Gone», «Discothèque» et «Staring At The Sun». Au passage, la setlist est encore chamboulée avec la remontée de «Pride» en 3° position. Le troisième soir est le plus riche en surprises, avec l’inclusion insensée de « 11O’Clock Tick Tock » et « Out of Control », deux titres qui n’avaient plus été joués depuis le « LoveTown Tour », tandis que le quatrième soir voit un début de concert « à la » Zoo TV , et « Beautiful Day » repoussée en fin de set. U2 revient à l’automne pour un deuxième service, avec 2 concerts les 15 et 16 octobre 2001, toujours au United Center. Nommés groupe de l’année par SPIN, les 4 musiciens profitent du soundcheck pour y shooter la photo de couverture du célèbre magazine musical américain.
La promesse de grandS soirS
Les 7, 9, 10 et 12 mai prochains, puis les 20 et 21 septembre, U2 retourne donc encore une fois à Chicago, toujours au United Center, pour 6 concerts du « Vertigo//05 Tour ». En 2001, lors des concerts d’automne, Bono avait déclaré au public de Chicago qu’y jouer, c’était un peu comme jouer dans une « deuxième hometown ». Si la métropole du MidWest ne peut réellement espérer ravir ce titre à sa rivale davantage « irlandaise » de la côte Est, Boston, elle est en droit toutefois d’espérer 4 shows riches en péripéties. Toujours richement dotée en concerts (4 par tournée depuis 1987), servie par un public bruyant et fidèle, Chicago est pour le groupe l’occasion régulière de varier le programme de réjouissances et de faire le point sur le show pour continuer à nous donner… le Vertigo !!
Discussions
4 commentaires ont été publiés pour cet article.
bonsoir .bravo super merci a vous et vive u2
Si U2 rassure à Chicago, il assure aussi…
Huilé mais encore peu de prise de risque !
Souhaitons que les concerts 2005 soient au niveau des précédents
Je lache la prémonition de Massis :)
‘"Pour info, le Boss joue à Chicago sur sa tournée Devils and Dust le 11 mai prochain
Et il fait relâche les 2 soirs suivants…
Un p’tit guest sur le Vertigo, histoire de continuer la bonne perf du Rock’n’Roll Hall Of Fame?
En tout cas, nous devinons (presque) où seront les Fab Four le soir du 11… ici: http://backstreets.com/tour.html"
Excellent article, bravo Massis!
Chicago est en effet une ville spéciale pour U2 et il s’y passe toujours qqch de particulier.
En 2005, c’est le premier sommet de la tournée, et je fais partie des gens qui attendaient ces 4 concerts avec impatience depuis le début de la tournée. Finie la rigolade, maintenant il faut que U2 se lâche, les choses sérieuses commencent samedi : Chicago, Philadelphie, NY, Boston, puis l’Europe dans la foulée, le programme est chargé!
Des surprises à Chicago, il y en aura sans doute, c’est peut-être le moment de sortir un Crumbs :)
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