Une fois n’est pas coutume, un visiteur de Sucking vous propose une revue de sa vision du 360° Tour et plus particulièrement du concert de Zagreb. A lire si possible sans œillère.
Ce 360° a pris un tour spécial. Décidé à ne plus revivre des atrocités dépressives comme le Vertigogo Tour que j’avais vu de Nice (très mauvaise pioche…) en 2005, j’avais décrété, en amont, que ce serait la dernière fois que j’irais voir ce groupe qui ne pouvait que me décevoir en me ramenant systématiquement aux 20 ans que ni eux ni moi n’avons plus.
Je me suis fixé donc deux échéances raisonnables, « faire » le SDF que je n’avais pas pu faire quatre ans auparavant, et doubler ça d’une date à l’étranger. Je rêvais de Séville, ma ville fétiche, de Lisbonne, également, mais au vu des premières dates annoncées, j’ai d’abord déchanté, avant de faire un bond : Zagreb, Croatie, premiers concerts là-bas, quelques attaches affectives dans cette ville également, ma décision était prise.
Évidemment, j’aurais pu, comme tout le monde, aller à Dublin, mais j’ai déjà dit que je ne voulais pas faire maintenant ce que je n’ai pas pu faire vingt ans avant, a fortiori quand c’est devenu beaucoup (beaucoup) plus facile… Et Zagreb, ai-je pensé, c’était aussi l’assurance d’une ambiance de feu, dans un stade à taille humaine. Parce que c’est quand même ce qui fait que des vieux fans se détachent de U2, de ne pas supporter cette démesure qui n’est même plus ironique comme elle l’était pour le Zoo Tv Tour… De ne pas supporter cette illusion entretenue par les fans plus jeunes et – forcément – plus enthousiastes, l’illusion d’un groupe qui donne tout sur scène, qui est capable de tout. Les shows de U2 sont millimétrés, de telle façon qu’on en est maintenant arrivé à disserter sur l’esquisse d’un changement, sur le fait que, par exemple, ils interprètent « Bad » à Amsterdam ou Dublin. Mais « Bad », U2 doit le jouer partout, sinon, ça n’est plus U2 ! Qui s’est posé cette question ? Et pourquoi ne la jouent-ils plus, alors ? Parce qu’ils n’y croient plus et que parmi les obligations qu’ils doivent à cette partie – majeure – du public qui ne les suit que de très loin et qui ne passe pas ses journées sur un forum, ils ont choisi d’autres classiques et, peut-être, épargné celui-ci par sursaut d’éthique…
Parce que c’est quand même ça qui ressort d’abord des mes deux concerts du 360° Blackberry Tour : cette grosse machinerie s’est fonctionnarisée jusqu’au ridicule.
Le ridicule, c’est d’abord cette nouvelle façon, déguisée, de hiérarchiser les « clients », avec des Red Zone dont une partie financerait l’Afrique ! Je pense à Lennon qui demande aux pauvres du poulailler d’applaudir fort et aux riches du parterre d’agiter leurs bijoux… Comble du mauvais goût, des passerelles mouvantes servent aux musiciens d’aller marcher sur l’eau et, accessoirement, sur les têtes des ravis qui ne savent plus, dans ces moments-là, où donner du numérique… Les mêmes s’enorgueilliront d’être arrivés à 7h du matin, d’avoir passé le concert collés à la barrière (en ratant tout des effets lumineux, d’ailleurs…), d’avoir préféré Paris II à Paris I etc.
Qu’est-ce que j’ai vu, moi, de mon SDF, en toute objectivité ? Un concert qui commence plutôt bien, quatre chansons du dernier album courageusement défendues, puis, déjà, une redescente, un « In a little while » superflu, une liaison satellite qui ferait pleurer n’importe qui ayant assisté au duo fictif avec Lou Reed ou à la liaison avec Sarajevo… Un « Streets » raté, un « Sunday », un « Pride » expédiés sans conviction, une bonne surprise avec « Unforgettable Fire » malheureusement maltraité, joué comme un (autre) morceau de stade que sont les détestables (pour moi) Vertigo, Boboots et toutes les oh-oh-oh songs du dernier album. Je ne cherche pas la polémique, je dis que je n’aime pas cette façon de jouer ces morceaux, qui ne laissent aucune place à la finesse : quand je les entends, je me dis une fois encore que le groupe que j’aimais est passé, et que ça ne sert décidément à rien de courir après sa jeunesse…
Il me restait Zagreb, alors, le 10 août. Il a fallu encaisser d’abord d’être les dindons de la Live Nation farce, puisque c’est à Zagreb, et Zagreb seulement, que le deuxième concert – rajouté après que le premier a fait le plein – a été placé la veille du premier… Pourquoi n’ai-je pas fait les deux, alors, m’ont déjà demandé certains fans ? Pour la même raison qui a fait que j’ai volontairement pris un billet retour le 12 juillet pour ne pas être à la deuxième date : parce qu’assister deux fois à un show rigoureusement identique est au-dessus de mes forces.
Arrivé à Zagreb, j’ai été surpris de constater que le concert de U2 était un événement national (télé, journaux, livret spécial distribué en ville…) mais qu’il ne phagocytait pas la vie non plus : pas de hordes de t-shirts, pas de drapeaux irlandais fièrement arborés, il faut atteindre la proximité du Maksimir Stadion pour réaliser que le même groupe que j’ai vu un mois avant allait se produire là dans quelques heures. Et, pour ceux qui jugeraient cette chronique désabusée, je vais dire ce que j’ai aimé de ce concert : l’impression justement d’assister pour la première fois à un concert de U2, comme il y a vingt ans, dans le même désordre d’ailleurs que celui qui n’aurait jamais dû disparaître des concerts de rock. L’emplacement d’abord : dans un stade comme celui-ci, en arrivant à 19h, on peut se retrouver à dix mètres de la scène sans problème, et on peut avancer, si on en a envie. Pas de consumérisme à tout crin, du j’ai-payé-j’ai-droit, du « j’étais là avant ». Alors, oui, ça bouscule, ça joue des coudes, mais au moins ça vit. Et puis la réaction d’un public privé de tout concert depuis le début sur des chansons comme celles que U2 a expédiées à Paris fait que, d’une, ils les jouent beaucoup mieux, de deux, le public les reçoit avec une vraie ferveur : jamais je n’aurais imaginé que Sunday ou Pride me feraient cet effet de nouveau.
On me disait que pour que U2 existe de nouveau, il fallait qu’ils aient quelque chose à prouver ; j’en avais eu l’impression en 2001, alors que je les avais un peu laissé tomber, quand Bono a enflammé Slane Castle pour expier la mort de son père (tout ça pour nous pondre trois ans après le larmoyant « Sometimes » et sa dégueulasse interprétation live…). A Zagreb, je ne me suis pas autorisé la distance blasée des nouveaux consommateurs de U2 et j’ai aimé ce concert plus que j’ai aimé d’autres concerts d’autres tournées du même groupe. J’ai enfin vu un Bono décidé à en découdre et content d’être là, un public réceptif, un show et un groupe resserrés, et peu m’importe d’avoir appris après que si l’écran ne s’est pas totalement déplié, c’est parce qu’il y a eu une panne, j’ai trouvé ça mieux, plus originel. Comme quand ils étaient encore maîtres de ce qu’ils faisaient, même dans la démesure, comme quand, pour le Pop Mart Tour, Bono demandait à ce qu’on éteigne les écrans pour « balancer » un New Year’s Day juste éclairé de blanc et donner l’illusion, oui l’illusion, là aussi, qu’on était tous ensemble dans une petite salle…
Ah, à Zagreb, Bono a eu l’élégance de remercier ses sponsors avant que la dernière chanson commence, ce qu’il n’a pas fait à Paris (ce qui vaut son pesant de cacahouètes sur les bootlegs !). Cette dernière chanson qui arrive en fin de rappels qui n’en sont pas, puisqu’il n’y a plus de rappels aux concerts de U2. Tant mieux ? A chaque fois que j’entends Bono chanter « How long to sing this song », même en snippet de Bad (qui dira également que le snippet est pour Bono l’excuse officielle de l’oubli des paroles ?), je ne peux m’empêcher de penser à l’ironique polysémie de la traduction : combien de temps encore va-t-il falloir que je chante ça… Fonctionnarisés, disais-je.
Discussions
23 commentaires ont été publiés pour cet article.
Breathe
No line on the horizon
Get on your boots
Magnificient
Beautiful day
Elevation
Mysterious ways
Until the end of the world
New years day
I still haven’t found
Stand by me
Angel of Harlem
Desire
In a little while
Party girl
Stuck in a moment
Stay
Electrical Storm
Unknown caller
Unforgettable fire
City of blinding lights
Vertigo
Crazy remix
Sunday bloody Sunday
Pride
Mlk
Walk on
Where the streets have no name
One
Bad
Ultraviolet
With or without you
Crazy album
Moment of surrender
Ça fait 34 titres (si j en ai oublié sorry) pour une moyenne de 23 joués par soir pas trop mal quand même en diversité
Au fait… ça fait combien de temps que U2 est une grosse entreprise avec un planning et des concerts « millimétrés » ? 20, 25 ans… ?
Mais, excusez l’expression…, c’est quand même de la putain de bonne musique, non ? Et, à mon avis, qui a bien murit, y compris au niveau prestation scénique…
Plutôt que fonctionnarisé, je dirai que U2 a créé le travail à la chaîne pour milliardaires ! Il est temps de libérer nos camarades du joug de l’exploitation Livenation ! ;)
Je trouve ça bien écrit, moi.
Je ne partage pas, d’une part parce que je reste persuadé que faire un concert à l’étranger te mets dans un état (excitation, émerveillement, attente, dépaysement….) qui modifie ta perception du show. Et d’autre part parce qu’ils ne doivent pas jouer Bad (ou tout autre titre emblématique) de façon systématique. Pour moi, c’est ça qui tue ce groupe à petit feu (plus l’âge, plus Bono), cette obstination à encore servir du « réchauffé », auquel, et là je suis d’accord ils ne croient plus.
Sheffiel le 20 … c’est la nuit gagnante L’amour va se vehiculer par l’electricite
Etant moi-même fonctionnarisé, je vous rassure : je ne fais pas, tous les jours, les mêmes choses et dans le même ordre …
When love comes to town.
le Lovetown de noel 89 jusqu’a Rotterdham90 Osaka et Sydney sont les concerts les plus intimes du groupe a mes yeux. A ce stade de la tournee 360 il est previsible de sentir qu’il reste beaucoup de sentiments a venir. J’ai etait decu du concept commercial du (V)ertigo tour mais il faut relativiser U2 en paye le prix aujourd’hui , ils reparent il faut reconnaitre et pardonner .. y a pas eu mort d’homme ni a Nice ni ailleurs.
Les choses changent, évoluent, vieillissent… Parfois, nous n’aimons plus… Parfois, la nostalgie nous empoisonne…
Quelle lucidité, bravo Drazen
Très belle chronique. (Mais certains parleront de complaisance indéfectible…)
Complaisant, tu ne l’es pas, justement, mais tu es dans le vrai absolument. Et puis fi des midinettes énamourées qui se mirent dans les yeux de ce félon d’Adam (qui n’est pas lifté, je le confirme) !
Très belle plume, on peut ne pas partager totalement ces points de vue, mais ils sont fort bien argumentés et défendus.
Merci à Drazen pour nous avoir fait parvenir cet article, qui ne dénote aucunement sur ce site, dédié au jolies proses.
d’un autre cote faut pas laisser les fans deprimer
oups ! « article » est bien masculin ;)
oui merci pour cette article !
C’est toujours interessant de lire le vécu des autres sans se foutre sur la gueulle car on est pas d’accord ;)
Personnellement je considère chaque expérience personnelle comme intéressante, à partir du moment où l’on est ni dans la béatitude et/ou la radicalité, donc ce tracé à toute sa place dans nos colonnes. Merci à drazen de nous l’avoir soumis, et j’encourage tous ceux qui assistent à des concerts d’en faire autant ;)
En fait Zagreb etait le bon choix pour un fan degoute du verigo tour et aneanti par un manque d’organisation a Nice (du surtout je pense a la responsabilite de la ville de nice) . Maintenant je rigole toujours la critique de Paris 1 car c’etait si bien interpereté audiovisuellement que ces 22 titres vont faire penser dans le futur …
Oui inutile de débattre. D’autant plus qu’on voit des les premières lignes que l’article ne coule pas de la plume d’un suckingien… C’est pas très bien écrit tout ça! La force des articles de sucking c’est de donner à la fois un point de vue et de provoquer un débat constructif. Ici tu donnes un point de vue trop subjectif, et aucun détail interessant…
Pour les remerciements aux sponsors au SDF1, Bono n’est pas à incriminer, c’est The Edge, car il commence à jouer du clavier une fois que Bono a commencé à faire ses remerciements.
Le lendemain, les remerciements ont été faits avant la chanson. A Dublin, également. Donc, Zagreb n’est pas une cacahouète exceptionnelle. Ce serait plutôt le SDF 2 avec Bono qui prend une voix d’extra-terrestre pour dire au revoir.
Pour le compte rendu, je me garderai de faire des commentaires car il est est plus subjectif qu’objectif, il tend à faire des conclusions basées sur un vécu et des sentiments personnels. Inutile de débattre donc.
ah oui en effet on peut aussi l’interpreter ainsi en relisant la phrase. dsl alors si il fallait le prendre comme ca ;o)
Je n’ai pas réécouté les concerts de Paris, mais je crois que Drazen souligne le fait qu’à Paris Bono a remercié les sponsors pendant la chanson, alors qu’à Zagreb il a eu la courtoisie de le faire avant et ainsi de ne pas pourrir la musique avec ce genre de connerie !
perso j’ai fait 3 concert a paris le premier étais bon mis a part le direct avec l’iss qui a carrément plomber l’ambiance jusqu’à city. Pour le reste cher, @drazen, tu a tord et je rejoins @antho,oui bono a bien remercié ses sponsors. Je pense que t’avais déjà décrocher depuis longtemps! Ensuite j’ai fais Nice bien meilleur avec « mystérious way » mais sans l’iss. Pour finir gelsenkirchen sans aucun doute le meilleur des 3 concert que j’ai assister que se soit au niveau de l’ambiance et du concert beaucoup plus rock( sans doute que les deux sont liés)!! en un mot c’est uniquement le choix des chansons jouer qui fait que l’ont ne peut pas être objectif sur notre analyse du concert vu qu’on a tous des attentes différentes sur le déroulement du concert( plus rock,plus calme morceaux anciens,moins anciens etc…etc..) ce qui et d’ailleurs très bien ainsi!
comme toi je souhaitais faire deux dates correctement espacées pour profiter au mieux de cette tournée… et mon choix se tournait vers paris / katowice ou surtout paris / zagreb. Mais il n’en fut rien. Mais bizarrement je crois que j’aurais apprecié le concert suivant, car pour moi a paris ils devaient etre encore en rodage…
Un point encore sur lequel je te rejoins aussi, c’est la situation de la pause acoustique (pause ou pseudo pause c’est selon) qui est bien trop tot… et ca c’est une critique propre a la tournée en soit. Un set acoustique a plus sa place vers la 15è 16è chanson plutot que vers la 6è 7è chanson..
Sinon tu as tort, Bono a bien remercié les sponsors le premier soir a paris (puisque tu as entendu in a little while, tu etais donc la le premier soir). J’etais là également.
T’aurais mieux fais d’aller a Nice
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